Analyse de l’eau : de nouvelles méthodes de surveillance pour détecter la typhoïde en Côte d’Ivoire

Le dimanche 17 novembre, le Sabin Vaccine Institute a tenu un symposium intitulé « Closing the Typhoid Surveillance Gap: Operationalizing Novel Surveillance Methods to Describe Enteric Fever Burden and Support Vaccine Decision-Making » (Remédier aux lacunes de surveillance de la typhoïde : mise en œuvre de nouvelles méthodes de surveillance afin de décrire le fardeau de la fièvre entérique et de faciliter la prise de décisions en matière de vaccination) à l’occasion de la réunion annuelle de l’American Society of Tropical Medicine and Hygiene. Les participants au symposium ont souligné les avancées réalisées en matière de surveillance de la typhoïde ainsi que l’utilisation d’outils peu coûteux et modulables permettant d’estimer le fardeau de la maladie dans des contextes où les méthodes reposant sur l’hémoculture ne peuvent pas être appliquées. Ils se sont intéressés aux nouvelles méthodes de détection de la transmission de la fièvre entérique et au fardeau de la maladie. Ils ont également évoqué le manque important de données avec les approches de surveillance classiques. Le Dr Jean Coulibaly, professeur associé à la faculté de biosciences de l’Université Félix Houphouët-Boigny, a présenté la surveillance de la présence de bactériophages Typhi dans l’environnement combinée à la surveillance sérologique au sein de la communauté en Côte d’Ivoire.

Surveillance et contrôle de l’environnement

La surveillance de la fièvre entérique s’appuie traditionnellement sur l’hémoculture. Toutefois, de nombreux pays où la typhoïde est endémique ne disposent pas des ressources et moyens nécessaires pour réaliser des tests d’hémoculture de haute qualité à grande échelle. En l’absence de données relatives aux cas de typhoïde confirmés par hémoculture, il est difficile d’évaluer le fardeau représenté par la maladie, si bien que de nombreux cas ne sont pas diagnostiqués ni signalés. Pour faire face à ces défis, les chercheurs se tournent vers de nouvelles méthodes de surveillance. L’une de ces méthodes consiste à surveiller les cas de typhoïde au sein d’une communauté au moyen de la détection de bactériophages. Ces derniers sont des virus qui infectent des bactéries spécifiques. Si un bactériophage Salmonella Typhi est détecté dans un échantillon d’eau, il est probable que cette bactérie soit également présente dans l’environnement dans lequel l’échantillon a été prélevé. Autrement dit, les scientifiques pourraient être en mesure de détecter des traces de typhoïde dans les eaux usées et les sources d’eau, ce qui fournirait une indication de la transmission de la typhoïde au niveau local sans avoir besoin de données cliniques. Cette détection précoce pourrait servir de signal d’alarme afin d’endiguer les potentielles épidémies en permettant aux responsables de santé publique de prendre des mesures proactives et de cibler les zones dans lesquelles la transmission serait probable.

La surveillance sérologique de la communauté est une autre méthode permettant de mesurer le fardeau de la fièvre entérique. Grâce au test d’échantillons de sang prélevés au moyen d’une lancette de ponction de doigt à la recherche d’anticorps dirigés contre S. Typhi, cette méthode permet d’estimer le nombre d’individus récemment exposés à la bactérie, qu’ils présentent des symptômes ou non. Dans une population où le fardeau de la maladie est élevé, davantage de personnes présentent des taux d’anticorps élevés, ce qui indique une exposition fréquente à l’agent pathogène. En Côte d’Ivoire, la surveillance sérologique de la communauté a été d’une aide précieuse pour mieux comprendre le fardeau de la typhoïde dans deux districts de santé : la capitale économique, Abidjan, et la ville rurale d’Azaguié. L’analyse des taux d’anticorps au sein de la population permet de mieux comprendre l’incidence des infections passées. Elle permet également d’identifier les zones où la vaccination ou des mesures d’amélioration de la qualité de l’eau et de l’assainissement peuvent être nécessaires.

Une approche combinée pour évaluer plus précisément le fardeau de la maladie

La surveillance de la présence de bactériophages dans l’environnement associée à la surveillance sérologique au sein de la communauté représente une méthode pertinente pour mieux comprendre la transmission de la typhoïde et estimer le fardeau de la maladie. Cette approche combinée nous permet de surveiller la présence de S. Typhi dans l’environnement, tout en évaluant la réponse immunitaire de la population à la bactérie. En Côte d’Ivoire, cette méthode a permis d’identifier des foyers de typhoïde, favorisant ainsi l’élaboration de stratégies de santé publique et l’identification de zones nécessitant une intervention. Le risque de contracter la typhoïde est élevé, car 30 % de la population n’a pas accès à l’eau potable et 65 % ne disposent pas d’installations sanitaires standard. Toutefois, le recours à la surveillance de l’environnement et à la surveillance sérologique permet aux chercheurs d’approfondir leurs connaissances concernant les tendances d’infection observées au sein de la communauté. Ces méthodes innovantes représentent une approche intéressante en vue de la mise en place éventuelle d’un système de surveillance et de réponse à la fièvre typhoïde.

La mise en œuvre de ces méthodes de surveillance innovantes par des pays tels que la Côte d’Ivoire est porteuse d’espoir pour les autres communautés dans lesquelles la surveillance reposant sur l’hémoculture n’est pas possible. De plus, ces méthodes mettent en évidence les approches novatrices disponibles pour mieux comprendre le fardeau de la typhoïde au niveau local et pour identifier les foyers de la maladie. En remédiant aux lacunes des systèmes de surveillance classiques, ces nouveaux outils renforcent notre capacité à réagir aux épidémies et jouent un rôle essentiel dans la définition de l’avenir de la prévention de la typhoïde.

Photo: Dr Jean Coulibaly a présenté” lors de la réunion annuelle de l’ASTMH 2024. Crédit: Sabin Vaccine Institute